par Guillaume Guidoni
Corse-Economie
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Pour une réforme du financement de la CTC ?


Les recettes de la CTC doivent évoluer vers moins de dotations et plus d’impôts prélevés sur place.



Pour une réforme du financement de la CTC ?
Actuellement, les recettes fiscales de la CTC sont négligeables

En lien avec notre dernier article sur les finances publiques en Corse, ou sur les pressions possibles sur les dotations européennes et nationales il paraît utile de préciser un cadre de réformes possibles pour les finances de la CTC. Ces dernières années, si les dépenses ont été très dynamiques, principalement du fait de l’importance de l’effort en termes de BTP (111 millions € - M€ en 2008 et autour de 150 M€ en 2009), les recettes propres de la CTC sont elles restées très sages. En 2009, sur un total de recettes proches de 640M€, les impôts directs n’ont représenté que 0,5 % du total et les impôts indirects 25 % (principalement TIPP, taxe sur les tabacs et taxe sur les transports). Le reste (les trois quart des recettes, soit près de 400 M€/an) provient des dotations de l’État mais aussi de subventions d’investissement, soit en fait les sommes dues au titre du PEI ou des politiques contractuelles.

Cette situation présente de nombreux désavantages. Premièrement, les dépenses de la collectivité ne génèrent aucun retour sur investissement en termes de finances locales. Les bases d’imposition directes restent principalement assises sur le foncier (et de toutes les façons sont négligeables). L’imposition indirecte est plutôt liée à l’activité touristique (taxe sur les transports) et à la croissance démographique (TIPP -> taxe sur le volume de carburant consommé). Ainsi, par exemple, si la CTC investit dans un axe routier stratégique, pensant générer ainsi plus d’activité économique en facilitant les flux de personnes et de biens, elle ne pourra pas récupérer une partie de sa mise via l’augmentation des recettes sur la consommation ou le profit des entreprises.

De plus, la forte croissance des années 2000-2008 n’a pas plus profité à la CTC (ou d’ailleurs aux départements), car encore une fois, aucune recette ne provient de l’imposition des ménages ou des entreprises. Or, entre 2000 et 2007, les recettes de TVA ont progressé dans l’île de 70 %, celles des impôts de 20 % et celles de l’impôt sur les sociétés de plus de 100 %. Dans le même temps, les dotations de l’État n’ont crû que de 44 %. On a donc une perte de recettes liée à la dépendance par rapport aux transferts nationaux.

Enfin, les deux points précédents se rejoignent sur un point : la CTC n’est pas incitée à faire croître les recettes de fiscalité dans l’île. Or, prosaïquement, générer plus d’impôts (à imposition constante bien sûr) revient à favoriser la croissance. Par conséquent, en lui donnant comme mission de favoriser le développement économique tout en ne l’incitant pas à la faire (car elle n’en retire aucun avantage financier), le système actuel « déresponsabilise » la CTC. Pour dire les choses simplement, la structure actuelle des recettes de la CTC n’est ni optimale en termes de dynamique, ni optimale au regard des incitations (ou en l’occurrence de l’absence d’incitation) quelle donne.

Quel rééquilibrage ?

Il y a en Corse cinq grandes catégories d’impôts : les impôts locaux (273 M€ en 2007), la TVA (253 M€), l’impôts sur le revenu (162 M€ + 10 M€ d’ISF), l’impôt sur les sociétés (96 M€) et la TIPP (autour de 140 M€). Ensemble, ces prélèvements représentent autour de 80 % des sommes collectées dans l’île (hors prélèvements sociaux).

Comme le lecteur aura compris, l’idée est de remplacer les dotations pas les impôts précédents, il reste deux questions principales : quels impôts viser et quelle part récupérer ?

Sur le premier point, la réponse est liée à l’incitation que l’on souhaite donner à la CTC. La TVA est assise sur la consommation. Elle revient donc, à vouloir faire progresser les dépenses finales (ménages et touristes). Si l’on préfère l’impôt sur les revenus, ce seront les salaires qui seront principalement visés. La différence n’est pas neutre, notamment en termes de secteurs économiques à privilégier. L’impôt sur les sociétés sera plus en rapport avec la profitabilité des entreprises. En l’absence d’idée claire sur les choix macroéconomiques de long terme – situation actuelle – la solution la plus simple est encore de viser un panachage de consommation, revenus, profits et fiscalité écologique.

Sur le deuxième point, la décision paraît plus politique qu’économique. Trouver l’équilibre entre acceptabilité par l’État de céder une partie de cette recette (même en contrepartie d’une baisse des dotations), maintien du principe de solidarité et volonté locale de se voir confier une ressource ayant un caractère moins prévisible (car fluctuant avec la croissance) paraît difficile. Reste qu’au niveau des régions italiennes ou espagnoles, il n’est pas rare de voir des répartitions à 50/50.

Mercredi 10 Mars 2010
Guillaume Guidoni