par Guillaume Guidoni
Corse-Economie
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Finances publiques, le point en Corse




Finances publiques, le point en Corse
Les dettes publiques au centre des attentions

La dégradation successive par les agences de notations des notes sur les dettes publiques de pays comme la Grèce, le Portugal ou encore le Japon illustre une certaine nervosité sur les trajectoires que prennent les finances publiques dans les pays développés. Elle a induit, pour certains pays, une réaction brutale de la part des marchés (Grèce, Portugal) ou bien parfois rien du tout (Japon). Le graphique ci-contre illustre les tensions sur les dettes d’États des PIIGS (acronyme de marchés pour ; Portugal, Italie, Irlande, Grèce et Espagne), via l’écart entre le taux d’intérêt 10 ans de ces pays avec celui de l’Allemagne. Plus l’écart est grand, plus les finances publiques sont jugées dégradées. Ceci implique alors de devoir payer plus cher en intérêt pour ces États.

Pour simplifier, deux questions se posent, une à court/moyen terme l’autre à plus long terme. Premièrement, les États sont actuellement obligés de s’endetter massivement au regard ce qu’ils ont fait par le passé. En 2009, les déficits dépasseront souvent 8 % du PIB, une situation exceptionnelle en temps de paix. Il faut donc trouver sur les marchés financiers les sommes nécessaires au financement de ces déficits. Se pose donc le risque de liquidité – c’est-à-dire qu’un État peut ne pas réussir à lever les sommes nécessaires – qui conduirait alors à un défaut. Deuxièmement, la situation actuelle des finances publiques n’apparaît pas très soutenable. Les ratios de dette sur PIB sont partout en forte hausse. Ce qui implique une charge d’intérêt grandissante à l’avenir. En outre, certains États manquent de crédibilité lorsqu’ils parlent de retour à l’équilibre, y compris dans 5 ans (France y compris).

En Corse, les grandes institutions ne sont pas menacées par le défaut…

On peut se poser cette même question au sujet des grandes collectivités de l’île (on se limitera ici à région + départements). Il est courant d’entendre que la dette est trop élevée pour la CTC ou le département de Haute-Corse (le Conseil Général de Corse-du-Sud ayant un endettement nul). Il y a en fait deux observations à faire. Premièrement, il est exact de dire que la dette à dans les deux cas progressé : de 106 millions € (M€) à 324 M€ entre 2000 et 2008 pour la CTC et de 84 à 133 M€ pour le CG2B. On notera au passage que le département de Haute-Corse n'a pas connu d'envolée de sa dette.

Deuxièmement, ceci ne veut pas dire que ces collectivités soient menacées de défaut. En effet, la charge de la dette (remboursement du capital + intérêt) reste limitée. En 2008, elle n’a été que de 15 M€ (3 % des dépenses totales) à la CTC et de 23 M€ au CG2B (12 % des dépenses). Ces résultats sont très loin d’être suffisant pour prendre à la gorge ces institutions. De plus, elles profitent de taux d’intérêts bas (même si la dette « exotique » de la CTC peut poser problème). Même si à l’avenir, le poids pour la CTC devrait augmenter assez nettement, le % restera gérable. En fait, il ne faut pas oublier que cette dette a été la conséquence de budgets déséquilibrés par les dépenses d’investissement. Une réduction de l’intervention suffirait à faire retourner les finances en excédent et donc à rembourser la dette. Ce qui ne veut pas dire que ce soit souhaitable. Mais, ceci illustre bien que le risque de défaut est nul.

… mais ça ne veut pas dire qu’il faut continuer dans la même direction

Si la dette publique des grandes collectivités est très sur un niveau acceptable et sans réel risque pour le futur, cela ne veut pas dire qu'il sera possible de continuer sur la même trajectoire, surtout pour la CTC. Les grandes collectivités corses (y compris ici les deux grandes agglomérations) sont certainement arrivées en bout d’un cycle d’endettement. L’avenir devrait donc être plus contraint, ce qui limitera les possibilités d’investissement. De plus, les pressions sur les finances publiques nationales auront des répercussions au niveau local (exemple : gel des dotations).

En outre, il semble assez curieux qu’en Corse, la dette soit nulle au Sud. On peut le voir comme un gage de bonne gestion. On peut aussi le voir comme une occasion manquée. Un investissement financé à crédit est intéressant s’il est rentable. Ceci vaut aussi pour une collectivité.

Enfin, la gestion de la dette paraît aujourd’hui sous optimale dans l’île. En effet, en ajoutant la CTC, les départements et les villes (sans les agglomérations) bastiaises et ajacciennes, on arrive à un encours de dette de 600 M€ en 2008. Pourquoi ne pas mutualiser la gestion de cette dette et de la trésorerie des collectivités au sein d’un organisme financier public local ? Ceci aurait l’avantage de permettre de négocier avec plus de poids auprès des banques (= taux d’intérêt plus faible). De mieux générer les flux de trésorerie et notamment les excédents (= placement éventuel). De plus, cette institution serait un pôle d’expertise local sur les questions financières, permettant de s’affranchir de la tutelle des organismes financiers type Dexia (juge, partie et bourreau auprès de la CTC dans l’affaire des prêts structurés).


Mardi 9 Février 2010
Guillaume Guidoni