par Guillaume Guidoni
Corse-Economie
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Bilan économique 2011 en Corse : croissance trop faible en 2011 et possibilité de récession en 2012


L'interprétation des signaux envoyés par l'enquête de la Banque de France permet de dresser la constat d'une économie corse qui a connu une année terne en 2011. Les entreprises anticipent une année 2012 très difficile avec des résultats compatibles avec une récession économique.



Bilan économique 2011 en Corse : croissance trop faible en 2011 et possibilité de récession en 2012
La publication récente du bilan 2011 et des perspectives 2012 par la Banque de France confirme que la Corse a été confrontée en 2011 à une activité en demi-teinte, avec une croissance faible, et que 2012 s’annonce très difficile.

Avant de commenter, quelques remarques de forme pour mieux utiliser le document :
- Cette enquête ne porte que sur les « grandes entreprises » locales, c'est-à-dire 1 200 structures (4 % du total des entreprises, quasi-exclusivement des structures de plus de 10 salariés). Environ 700 ont répondu. L’échantillon est donc affecté par des biais importants et l’enquête ne peut être considérée comme un résultat statistique mais donne seulement des indications ;
- L’indice de confiance dans les services marchands (le plus gros secteur économique de l’île, avant la construction et bien loin de l’industrie) présente une volatilité trop forte pour pouvoir être interprété, il y a visiblement un problème méthodologique derrière ;
- Le document commente l’évolution du chiffre d’affaire des entreprises ce qui est très largement contestable. On peut faire 100 € de CA et ne générer aucune valeur ajoutée (VA = création de richesse = PIB) si pour vendre 100 il faut en dépenser autant (VA = CA - consommation intermédiaires). Quel est l’impact de la hausse des prix des fournitures et matières premières sur la marge d’exploitation ? Pas d’information ici. De plus, il faut aussi tenir compte des prix à la vente. La croissance économique est un phénomène qui s’étudie en volume, c'est-à-dire en corrigeant de l’inflation. Quelle est la part de la hausse du chiffre liée à l’inflation ? Pas d’information ici.

Pour 2011, allons directement page 7 du document. On y apprend que la progression de l’emploi salarié n’a pas dépassé 2 % sur un an dans les principaux secteurs. On est donc en dessous des performances d’avant 2008, quand l’emploi salarié dans le privé progressait autour de 3 % par an. Ceci confirme le ralentissement des créations de postes enregistré dans les données de l’Acoss.

La conséquence sur le chômage a été immédiate. On a souvent souligné ici, et cela se confirme dans les chiffres, pour faire baisser le chômage en Corse il faut une croissance de l’emploi salarié (hors secteur public) supérieure à 2,5 % par an. 2011 a été en dessous et le nombre de chômeurs a progressé de 7 % sur un an.

D’ailleurs, la consommation des ménages (estimée via les ventes au détail dans le grande distribution) a connu une année difficile en 2011, avec une progression en volume très faible. Même si l’on ne dispose pas d’indice de prix régional, sachant qu’au plan national les prix dans la grande distribution ont augmenté sur l’année de +1,9 %, la progression des ventes corrigée de l’inflation n’a été que 0,9 % (plus faible depuis 2009) alors que le même calcul donne +2,8 % en 2010.

Les créations d’emplois ont donc été trop faibles pour générer une consommation forte.

Deuxième élément important, les investissements. On rappellera ici que le produit intérieur brut se calcule comme la somme de la consommation, de l’investissement et du solde du commerce extérieur.

Or, l’investissement est soit en stagnation (services marchands, construction) soit en forte baisse (industrie, -48 % sur l’année !). On a donc un apport à la croissance économique négatif.

Pour résumer, une consommation faible, un probable recul de l’investissement et une vraisemblable aggravation du déficit commercial de l’île (record à 184 millions d’euros de déficit pour els échanges hors France continentale, cf. graphique ci-dessus) font que la croissance en Corse a été faible voire très faible. Toutefois, compte tenu des progressions tout de même sensible de l’emploi à travers les secteurs, je ne pense pas que l’on puisse parler de récession.

Je laisse au lecteur le loisir de parcourir le document de la Banque de France pour évaluer les évolutions par sous-secteur du chiffre d’affaire, avec les précautions méthodologiques précisées ci-dessus.

Pour 2012, je ne pense pas qu’il faille vraiment élaborer plus avant. Le document parle de lui-même (cf. page 2). Les entreprises s’attendent à une stagnation du chiffre d’affaire (donc à mon avis, on peut parler de recul de la VA générée via la hausse des coûts) ainsi que de l’emploi.

Au final, l’interprétation de ces résultat permet de dire que l’enquête de la Banque de France est compatible avec une économie corse qui dérape vers la récession en 2012. Cela reste encore à confirmer mais ne constitue pas à l’évidence un signal positif.

Vendredi 10 Février 2012
Guillaume Guidoni