par Guillaume Guidoni
Corse-Economie
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La récession, c'est quoi au juste ?


La France a traversé trois trimestres consécutifs de stagnation de son PIB. Depuis le printemps 2011, la croissance françaises stagne mais elle a - selon l'expression consacrée - « officiellement échappé à la récession » alors même que le chômage augmente et que le pouvoir d'achat des ménages baisse. Mais, au fait, c'est quoi la récession ?



La récession, c'est quoi au juste ?
L'expression "récession économique "n'a pas vraiment de sens car il n'y a ni définition officielle, ni même définition tout court. Il existe bien une norme couramment admise pour caractériser la récession économique (deux trimestres consécutifs de recul du PIB). Mais sa pertinence est douteuse.

Selon cette approche, la France n'a connu que 3 récessions depuis 1947 (1974/1975, 1992/1993 et 2008/2009). Mais, depuis le printemps 2011, la France a connu au total quatre trimestres de stagnation et un seul de croissance (et encore très faible). Cette situation n'est donc pas techniquement une récession, pour autant parler de croissance serait malhonnête.

De plus, sachant que la production de richesse dans l'économie reste inférieure à celle observée début 2008, la France est-elle vraiment sortie de la Grande Récession de 2008-2009 ou bien est-elle encore en plein dedans ?

Les économistes américains ont résolu ce problème de datation des cycles économiques en adoptant une définition beaucoup plus large. Un organisme indépendant (National Bureau for Economic Research) utilise une palette de statistiques économiques pour définir une récession : le PIB mais aussi les profits des entreprises, les volumes de ventes de gros et au détail, la production industrielle, les revenus des ménages hors prestations sociales et les statistiques sur l'emploi et le chômage.

Le comité du NBER recense 12 récessions aux USA depuis 1945 (4 fois plus que la France). Il faut noter que le NBER donne un poids particulièrement important à la situation économique des ménages (consommation, revenus des ménages, chômage).

Qu'arriverait-il si l'on adoptait la « définition NBER » pour la France ? Au vu des indicateurs listé par cet organisme, on compterait au moins 3 récessions de plus (1958 ; 1980 ; 2002) et la situation actuelle serait très vraisemblablement classée comme "récession".

En Corse aussi, une approche à la NBER serait plus raisonnable pour parler de croissance ou de récession. Le manque de fiabilité évident (pas d'indice de prix régional donc pas de calcul pertinent pour l'évolution en volume - celle qui compte pour parler de croissance - et un calcul qui ne s'appuie par sur la structure locale de l'appareil productif) et de réactivité des chiffres du PIB publiés par l'Insee rend cette statistique peu utile pour une telle analyse. Elle est plutôt un ordre de grandeur.

En revanche, la meilleure qualité des données sur le marché du travail permet quelques déductions. En observant l'évolution de l'emploi salarié dans le secteur privé, du salaire moyen mais aussi du nombre de chômeurs et d'allocataires des minimii sociaux, la Corse ne se trouverait pas (encore ?) en zone de récession mais la situation des ménages est en dégradation depuis près d'un an du fait de l'atonie économique.

Plus largement, en incluant aussi les données sur les flux touristiques, sur la consommation et sur les mises en chantiers de logements et de locaux, la Corse paraît « sauvée » d'une récession sur les derniers uniquement par le secteur du BTP. Or, derrière le boom récent de l'activité de construction de logements en Corse, un risque majeur émerge à partir de l'année prochaine.

Ainsi, alors que le secteur touristique est globalement en repli sur cette saison et que la consommation en volume (inflation estimée via les prix dans la grande distribution et les prix de l'essence) est stagnante, une panne dans le bâtiment se traduirait par une entrée dans une phase de récession.

La Corse comme le reste de l'Europe est plongée dans le marasme économique.

Il faudrait chercher des solutions pour amortir le choc mais cette situation nous échappe en grande partie. La récession en Italie est forte et touche par ricochet l'île. En juillet dernier, le trafic passager avec ce pays a reculé de 14 % sur un an, une évolution qui rappelle la crise du début des années quatre-vingt-dix et son cortège de dévaluation.

En outre, le contexte fiscal et bancaire entourant l'immobilier et qui menace l'activité en Corse est décidé au niveau national ou européen (Loi de Finance, taux d'intérêt sur les marchés, BCE ou banques nationales). Les pouvoirs publics locaux n'ont que peu de prise sur ces problématiques.

Cette relative impuissance n'est pas propre à la Corse. Elle touche aussi les grands États, désarçonnés par une crise profonde et complexe. Mais, elle est aggravée dans l'île par un modèle économique où les dépendances envers l'extérieur sont trop fortes.

Un consensus se dégage pour lutter contre cette spécificité corse, comme l'ont relevé les discussions au sein de l'Assemblée de Corse sur le modèle de développement pour la Corse menés dans le cadre du PADDUC. Mais cela demandera de l'effort et du temps.

Samedi 15 Septembre 2012
Guillaume Guidoni