La prochaine réunion de l’Assemblée de Corse va être l’occasion d’aborder plusieurs dossiers économiques. Toute d’abord deux documents qui récapitulent les mesures en faveur de l’économie sociale et solidaire et les différentes mesures destinées à promouvoir l’emploi qualifié. Enfin, le gros morceau, c’est le projet de relance de la CADEC.
Pour l’ESS, le document aurait utilement pu faire référence à la dernière publication de l’Insee sur le sujet. D’ailleurs, notons qu’une nouvelle fois le secret statistique agit comme un masque pour avoir des données sur la Corse. La définition de secret statistique semble donc peu adaptée à l’économie corse. Pas vraiment d’autre remarque sur un sujet que je connais peu.
Sur le 2e sujet, il paraît important de noter qu’il s’agit avant tout d’un panel de subventions destinées à permettre aux entreprises de réaliser des efforts de R&D et, plus largement, de permettre l’emploi de personnels qualifiés. Face aux retards conséquents de la Corse dans ce domaine, il paraît logique de faire des efforts importants.
Toutefois, si le projet me semble équilibré et bien pensé, à mon avis, voici ce qui manque :
- afin de pouvoir mesurer les efforts en matière de R&D de la part des entreprises, il faut agir pour forcer le service statistique dédié à publier des données propres à la Corse (actuellement elles sont confondues avec celles de la région PACA). Il ne sera pas possible de juger des effets de cette politique au niveau macroéconomique si on ne dispose même pas de l’ensemble des dépenses totales de recherche réalisées dans l’île;
- Pas de questionnement sur les statistiques déjà disponibles, rien non plus sur d’éventuels besoins pour combler des vides statistiques (pitié ne me parler plus de la coquille vide du CRIES…). Ca va encore être amusant de faire une évaluation ex post dans ces conditions. L’efficacité d’une politique publique ne va pas de soit, elle ne se décrète pas. Même si sur le papier les mesures sont séduisantes, seule une évaluation continue peut renseigner sur le bon rapport coût/bénéfice, l’absence d’effets d’aubaine ou bien le caractère non distorsif. Or, il faut essayer de l’envisager en amont, afin de pouvoir collecter les données au fil de l’eau, ce qui rend ensuite l’analyse plus facile ;
- Au-delà, on pourrait utilement rajouter aux subventions le coût administratif de la politique souhaitée, histoire de juger le coût total (administration+contrôle+subvention). C’est d’ailleurs une critique assez générale à adresser aux mesures prises par la CTC.
Concernant la Cadec, je prends le document suivant son sommaire.
Premièrement, concernant la petite histoire du groupe Cadec/Corsabail, il y a une chose que je trouve assez curieuse, c’est de présenter l’histoire d’un naufrage comme finalement assez positive pour l’économie de la Corse (fin du chapitre 1.1). En effet, si la Cadec a fait faillite, c’est – comme pour tout établissement financier acculée à une telle situation – dû principalement à une gestion du risque inadaptée. Certes la crise économique du début des années 90 a profondément déstabilisée l’économie corse. Dans ces conditions, des pertes étaient inévitables. Mais un établissement financier est censé pouvoir absorber les pertes des pertes sur son portefeuille, surtout s’il a une activité de prêts aux entreprises représentant 20 % d’un marché (source : document).
En tout cas, en faisant ce qu’on appelle des stress-tests, on essaye d’anticiper les dégâts d’inévitables récessions. Cela implique une étude attentive des dossiers de prêts, un suivi des entreprises à qui l’on a prêté et une prudence dans sa gestion. Prudence qui passe par : garder des réserves pour absorber les éventuelles pertes, avoir des ratios prudentiels adaptés aux risques pris et non juste au niveau minimum, être capable d’adapter sa prise de risques aux évolutions de l’économie… Bref, on ne joue pas à la banque. Je pense que la crise actuelle souligne bien l’importance de la maîtrise du risque.
Or, l’expérience a montré que la Cadec a mené une politique inconsidérée et disproportionnée de prêts aux entreprises. De plus, il paraît vraisemblable de penser qu’elle ne disposait pas des ressources humaines nécessaires à la gestion d’une activité de prêts (20 % du marché avec combien de personnels qualifiés ?). Dans ces conditions, ne pas citer la mauvaise gestion comme une des causes de la faillite est assez fort. Tout de même, fin 98, 68 % de l’encours de prêts était en cessation de paiement, soit 61 millions d’euro en souffrance.
Deuxièmement, d’après ce que je comprends (je trouve le document parfois assez confus), la relance de la Cadec/Corsabail concerne en fait 3 activités : financement des structures d’aides aux projets d’entreprises (PFIL) et aux structures plus « solidaires » (ADIE, corse-active) et aussi une possible augmentation du capital de Femù Qui. ; rôle d’intermédiaire entre entreprises et administrations pour la gestion d’avance remboursable et aides ; enfin, une activité de crédit-bail.
Concernant ceci, il y a plusieurs remarques à faire :
- le nouveau groupe sera une entreprise, financée par des capitaux publics et le recouvrement passé des créances. Mais, il n’est envisagé nulle part la notion de profit. Il s’agit donc d’une entreprise dont l’objet n’est pas de gagner de l’argent. De même, aucun effet de levier (recours à l’endettement) n’est envisagé ;
- le groupe ne connaîtra aucun exercice bénéficiaire de 2010 à 2020. Le business plan (un seul scénario, c’est un peu chiche ; d’ailleurs il est assez confus aussi) montre bien qu’on envisage en fait une structure, structure qui va puiser dans sa trésorerie initiale pour se financer. Cela conduira in fine à la réduction des capacités d’intervention de la Cadec dans l’économie (le montant total engagé par la Cadec bouge peu tandis que le PIB croît). On est en train de fabriquer un futur nain financier, sauf recapitalisation ou nouvelles ressources ;
- côté gestion du risque, il n’est fait nulle part référence à la structure du bilan du groupe (actif ou passif), aux ratio prudentiels de l’activité de crédit-bail et à l’évolution possible des ratio réglementaires dans le temps. En revanche, la notion « ressources humaines » est envisagée, ce qui est positif ;
- dans son rôle d’intermédiaire entre administrations et entreprises, quelles seront les relations avec les administrations. ? En effet, la Cadec pourra-t-elle définir seule les projets à financer dans le cadre des aides ou avances remboursables ? A mon avis, il faudra quand même que la CTC, l’État ou autre donne un accord avant distribution, pour éviter que la Cadec ne se retrouve dans une position où les fonds ont été avancés alors que les administrations ne veulent pas payer ;
- le crédit-bail peut-il se faire à un taux de 4 % pour des prêts de 15 ans, fixé de façon uniforme pour toutes les entreprises et pour une période de temps aussi longue ? La Cadec/Corsabail aura-t-elle la possibilité de fixer librement les taux appliqués ? La question de distorsion de concurrence n’est pas vraiment posée (le fait que les banques ne sont pas sur le créneau n'implique pas que la Cadec doivent prêter à taux trop bas).
Ainsi, la relance de la Cadec n'est finalement pas un retour à la situation pré-faillite (ce qui n'est pas si mal) mais bien l'émergence d'un outil de financement alternatif et public, d'une ampleur limitée.
Pour l’ESS, le document aurait utilement pu faire référence à la dernière publication de l’Insee sur le sujet. D’ailleurs, notons qu’une nouvelle fois le secret statistique agit comme un masque pour avoir des données sur la Corse. La définition de secret statistique semble donc peu adaptée à l’économie corse. Pas vraiment d’autre remarque sur un sujet que je connais peu.
Sur le 2e sujet, il paraît important de noter qu’il s’agit avant tout d’un panel de subventions destinées à permettre aux entreprises de réaliser des efforts de R&D et, plus largement, de permettre l’emploi de personnels qualifiés. Face aux retards conséquents de la Corse dans ce domaine, il paraît logique de faire des efforts importants.
Toutefois, si le projet me semble équilibré et bien pensé, à mon avis, voici ce qui manque :
- afin de pouvoir mesurer les efforts en matière de R&D de la part des entreprises, il faut agir pour forcer le service statistique dédié à publier des données propres à la Corse (actuellement elles sont confondues avec celles de la région PACA). Il ne sera pas possible de juger des effets de cette politique au niveau macroéconomique si on ne dispose même pas de l’ensemble des dépenses totales de recherche réalisées dans l’île;
- Pas de questionnement sur les statistiques déjà disponibles, rien non plus sur d’éventuels besoins pour combler des vides statistiques (pitié ne me parler plus de la coquille vide du CRIES…). Ca va encore être amusant de faire une évaluation ex post dans ces conditions. L’efficacité d’une politique publique ne va pas de soit, elle ne se décrète pas. Même si sur le papier les mesures sont séduisantes, seule une évaluation continue peut renseigner sur le bon rapport coût/bénéfice, l’absence d’effets d’aubaine ou bien le caractère non distorsif. Or, il faut essayer de l’envisager en amont, afin de pouvoir collecter les données au fil de l’eau, ce qui rend ensuite l’analyse plus facile ;
- Au-delà, on pourrait utilement rajouter aux subventions le coût administratif de la politique souhaitée, histoire de juger le coût total (administration+contrôle+subvention). C’est d’ailleurs une critique assez générale à adresser aux mesures prises par la CTC.
Concernant la Cadec, je prends le document suivant son sommaire.
Premièrement, concernant la petite histoire du groupe Cadec/Corsabail, il y a une chose que je trouve assez curieuse, c’est de présenter l’histoire d’un naufrage comme finalement assez positive pour l’économie de la Corse (fin du chapitre 1.1). En effet, si la Cadec a fait faillite, c’est – comme pour tout établissement financier acculée à une telle situation – dû principalement à une gestion du risque inadaptée. Certes la crise économique du début des années 90 a profondément déstabilisée l’économie corse. Dans ces conditions, des pertes étaient inévitables. Mais un établissement financier est censé pouvoir absorber les pertes des pertes sur son portefeuille, surtout s’il a une activité de prêts aux entreprises représentant 20 % d’un marché (source : document).
En tout cas, en faisant ce qu’on appelle des stress-tests, on essaye d’anticiper les dégâts d’inévitables récessions. Cela implique une étude attentive des dossiers de prêts, un suivi des entreprises à qui l’on a prêté et une prudence dans sa gestion. Prudence qui passe par : garder des réserves pour absorber les éventuelles pertes, avoir des ratios prudentiels adaptés aux risques pris et non juste au niveau minimum, être capable d’adapter sa prise de risques aux évolutions de l’économie… Bref, on ne joue pas à la banque. Je pense que la crise actuelle souligne bien l’importance de la maîtrise du risque.
Or, l’expérience a montré que la Cadec a mené une politique inconsidérée et disproportionnée de prêts aux entreprises. De plus, il paraît vraisemblable de penser qu’elle ne disposait pas des ressources humaines nécessaires à la gestion d’une activité de prêts (20 % du marché avec combien de personnels qualifiés ?). Dans ces conditions, ne pas citer la mauvaise gestion comme une des causes de la faillite est assez fort. Tout de même, fin 98, 68 % de l’encours de prêts était en cessation de paiement, soit 61 millions d’euro en souffrance.
Deuxièmement, d’après ce que je comprends (je trouve le document parfois assez confus), la relance de la Cadec/Corsabail concerne en fait 3 activités : financement des structures d’aides aux projets d’entreprises (PFIL) et aux structures plus « solidaires » (ADIE, corse-active) et aussi une possible augmentation du capital de Femù Qui. ; rôle d’intermédiaire entre entreprises et administrations pour la gestion d’avance remboursable et aides ; enfin, une activité de crédit-bail.
Concernant ceci, il y a plusieurs remarques à faire :
- le nouveau groupe sera une entreprise, financée par des capitaux publics et le recouvrement passé des créances. Mais, il n’est envisagé nulle part la notion de profit. Il s’agit donc d’une entreprise dont l’objet n’est pas de gagner de l’argent. De même, aucun effet de levier (recours à l’endettement) n’est envisagé ;
- le groupe ne connaîtra aucun exercice bénéficiaire de 2010 à 2020. Le business plan (un seul scénario, c’est un peu chiche ; d’ailleurs il est assez confus aussi) montre bien qu’on envisage en fait une structure, structure qui va puiser dans sa trésorerie initiale pour se financer. Cela conduira in fine à la réduction des capacités d’intervention de la Cadec dans l’économie (le montant total engagé par la Cadec bouge peu tandis que le PIB croît). On est en train de fabriquer un futur nain financier, sauf recapitalisation ou nouvelles ressources ;
- côté gestion du risque, il n’est fait nulle part référence à la structure du bilan du groupe (actif ou passif), aux ratio prudentiels de l’activité de crédit-bail et à l’évolution possible des ratio réglementaires dans le temps. En revanche, la notion « ressources humaines » est envisagée, ce qui est positif ;
- dans son rôle d’intermédiaire entre administrations et entreprises, quelles seront les relations avec les administrations. ? En effet, la Cadec pourra-t-elle définir seule les projets à financer dans le cadre des aides ou avances remboursables ? A mon avis, il faudra quand même que la CTC, l’État ou autre donne un accord avant distribution, pour éviter que la Cadec ne se retrouve dans une position où les fonds ont été avancés alors que les administrations ne veulent pas payer ;
- le crédit-bail peut-il se faire à un taux de 4 % pour des prêts de 15 ans, fixé de façon uniforme pour toutes les entreprises et pour une période de temps aussi longue ? La Cadec/Corsabail aura-t-elle la possibilité de fixer librement les taux appliqués ? La question de distorsion de concurrence n’est pas vraiment posée (le fait que les banques ne sont pas sur le créneau n'implique pas que la Cadec doivent prêter à taux trop bas).
Ainsi, la relance de la Cadec n'est finalement pas un retour à la situation pré-faillite (ce qui n'est pas si mal) mais bien l'émergence d'un outil de financement alternatif et public, d'une ampleur limitée.