par Guillaume Guidoni
Corse-Economie
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À la suite d’une interview d’Alta Frequenza, quelques suppléments sur la question immobilière en Corse.

Le problème de la vente des terres agricoles comme terrains à bâtir est réel, en tout cas dans les zones côtières où la demande de construction est forte. Pour les terres agricoles, le prix moyen des terres labourables (les plus chères) est de 4 260 euros à l’hectare, soit 0,43 €/m2 (2007, source Agreste). Il atteint 46 €/m2 pour du terrain à bâtir (prix 2008, source SOeS). La forte différence entre les deux prix rend bien sûr la vente des terrains agricole très rentable par rapport à de la terre agricole. Il est évident que ceci limite les possibilités pour un agriculteur de s’implanter ou s’agrandir dans une zone sous tension.

Plus généralement, la fièvre immobilière de ces dernières années a entraîné une réduction de la capacité d’achat des résidents. Le recours à l’endettement a permis de compenser, mais il ne s’agit pas d’une solution pérenne, car la hausse de la dette finit par atteindre un plafond (la crise actuelle le montre bien). Ainsi, on arrive à la fin d’un cycle immobilier, en tout cas du point de vue du résident corse. Dans cette situation, le retrait des acheteurs devrait faire basculer le marché et rentrer dans une phase de baisse des prix. C’est la situation que l’on a un peu partout en Europe (Allemagne mise à part) ou ailleurs, car la frénésie immobilière a été mondiale. Les hausses de prix dans l’île ne constituent pas d’ailleurs pas de records (on a été bien plus haut en Irlande, Espagne ou bien aux Etats-Unis).

Ceci étant, la Corse présente des caractéristiques qui pourraient retarder les baisses, voire les rendre insuffisantes pour redonner des capacités d’achat conséquentes aux ménages. Trois éléments pourraient continuer à alimenter la demande :
- la dynamique démographique, qui ne devrait pas faiblir à moyen terme ;
- un manque de logement locatif dans les grandes agglomérations, à la fois dans le logement social (parc insuffisant) et le secteur privé (notamment petites surfaces). Ceci rend attractif l’accession à la propriété, par la contrainte en quelque sorte ;
- une demande extérieure (cf. article Corsica du mois d’août) : dont l’évolution à court et moyen terme est incertaine. L’attrait pour la résidence secondaire va-t-il perdurer ?

Mon opinion est que les forces précédentes ne semblent pas assez fortes pour contrecarrer la tendance à la baisse à horizon 2 ans, mais au-delà c’est plus nébuleux. Une chose plus sûre est que la flambée des prix ne sera pas de retour à moyen terme.

Quand à ma remarque sur le libre jeu du marché, je précise ma pensée. A court-moyen terme, si l’on part du principe qu’il faut que la puissance publique agisse pour soulager la contrainte sur les ménages résidents, je ne vois pas de vraie solution. En effet, une action publique rapide sur la question du foncier paraît très peu vraisemblable en l’état du droit français. Celui-ci interdit une réglementation locale spécifique pour les résidences secondaires et a fortiori ne permet pas d’exclure certaines catégories d’acheteurs. Donc, il faudrait passer par un changement législatif (par exemple en utilisant le droit à l’expérimentation) et, en l’absence de consensus politique, cette solution est illusoire.

On pourrait aussi utiliser l’arme du Plan Local d’Urbanisme (PLU). Il s’agit d’une solution normalement adaptée pour limiter la concurrence sur les terres agricoles. Encore une fois, il ne peut exclure les résidences secondaires du paysage. Toutefois, il peut inclure des « ruses » ou contraintes pour en limiter l’expansion. Mais, là encore, ce n’est pas une solution réaliste à court et moyen terme. Les délais d’élaboration et de mise en place (et les contestations) sont longs. De plus, il faudrait que les PLU soient un minimum coordonnés pour qu’une cohérence globale s’en dégage et influe sur le marché immobilier. Là encore, en l’absence de consensus politique, c’est illusoire.

Ça n’empêche pas de réfléchir à des solutions à plus long terme, car la pression sur le foncier sera vraisemblablement durable (pour les trois principales raisons listées ci-dessus).

Vendredi 28 Août 2009
Guillaume Guidoni