par Guillaume Guidoni
Corse-Economie
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Quelques réflexions sur la démographie corse.




Quelques réflexions sur la démographie corse.
Les derniers résultats du recensement de l’Insee sont désormais presque disponibles (presque car il manque en fait beaucoup de données détaillées qui seront mis à disposition au 3e trimestre 2009).

Globalement, les résultats confirment les tendances issues des enquêtes précédentes (recensement 2004-2007). Il existe en fait une seule grande différence, c’est le rythme de progression de la population. Avec 294 118 habitants en 2006, donc environ 34 000 de plus par rapport à 1999, le rythme de croissance a été de +1,8 % par an en moyenne, alors que les résultats précédents donnaient plutôt du +1%. On a donc une croissance du nombre d’habitant près de 2 fois supérieur à celle auparavant estimée.

Mis à part ce point, l’enquête est malheureusement toujours aussi inquiétante. En effet, les tendances démographiques de la Corse posent un gros problème en terme de croissance. Ce problème est simple : la Corse n’est pas assez dynamique en terme de natalité.


Quelques réflexions sur la démographie corse.
En 2006, le taux de natalité était en Corse, estimé par corse-economie, à 1,58 enfants par femme en âge de procréer. An 2000, les décès domiciliés sont à peine moins nombreux que les naissances domiciliées. L’excédent de naissances n’a pas dépassé 100 individus depuis 2001. Le solde naturel de la Corse est quasi-nul, la croissance de sa population ne peut donc être endogène, comme disent les économistes.

Reste que la population croît quand même et fortement. C’est grâce à une forte attractivité en termes d’immigration. Le solde migratoire explique la totalité de cette croissance. Cette immigration doit se comprendre au sens de nouveaux arrivants en Corse, qu’ils soient français ou étrangers.

Le problème de ce modèle démographique est qu’il n’est pas « bon » pour la croissance future de la Corse.

Quelques réflexions sur la démographie corse.
En effet, la population corse n’est pas dynamisée par cet afflux, elle continue en fait à vieillir. Ce phénomène est général dans tous les pays européens et ne constitue donc pas une surprise, mais son ampleur est marquée en Corse. Pour se rendre compte de la structure de la population par âge, on peut utiliser les taux de dépendance, c’est à dire le rapport entre une classe d’âge et la population en âge de travailler.

Pour les plus de 64 ans (taux de dépendance = + 65 ans / 15-64 ans), le taux est de 30 % en Corse. Pour les moins de 15 ans, le taux est de 24 %. La population corse est la plus âgée parmi les autres îles qui lui sont comparables.

Les raisons d’une proportion élevée de personnes âgées sont assez simple : faible natalité, espérance de vie légèrement plus élevée et en augmentation et, enfin, solde migratoire positif mais concentré sur des personnes de plus de 30 ans. Ceci conduit d’ailleurs à relativiser la notion de « colonisation de peuplement », car le but d’une colonisation est de s’implanter et de prospérer. Or, les chiffres montrent de façon assez évidente qu’on ne s’implante pas en Corse pour faire des enfants mais plutôt vers 30-50 ans ou après, pour y travailler ou passer sa retraite. Une sorte de « colonisation sans peuplement ».

Le vieillissement de la population n’est pas sans conséquence sur le dynamisme de l’économie à moyen et long terme. Premièrement, le taux de dépendance est déjà élevé et va continuer à progresser. La charge économique liée à cette classe d’âge va donc continuer à s’accroître sur les actifs. Par conséquent, une part de plus en plus importante de la richesse produite va être destinée à la prise en charge de dépenses de santé et de retraite. Ceci au détriment des investissements générateurs de croissance, sauf à développer une industrie médicale et pharmaceutique apte à capter une part de ce gâteau mondial.

Néanmoins, pour l’économie corse, il ne s’agit pas du problème le plus important car les coûts liés au vieillissement sont principalement pris en charge par la solidarité nationale et non directement par l’économie corse.

En revanche, pour la croissance potentielle de la Corse, le problème de la natalité est bien plus crucial. Selon la théorie de la croissance de Solow, on peut décomposer le taux de croissance du PIB comme étant la somme du taux de croissance de l’emploi + du taux de croissance de la productivité du travail + du taux de croissance de la productivité globale des facteurs (aussi appelé progrès technique).

En considérant uniquement le premier terme par la suite, on a :
emploi = (1-chomage) * taux d’activité des 15-65 ans * population de 15-65 ans

Ainsi, la variation de l’emploi est égale à la somme des variations des trois éléments ci-dessus. La faible natalité en Corse va donc peser sur la croissance potentielle via le dernier terme. En effet, la population corse va connaître dans les années qui viennent le départ de baby boomers alors que le nombre de jeunes arrivants sur le marché est largement trop faible pour compenser ces départs. Par conséquent, la population active va diminuer, sauf apport extérieur.

Plus précisément, pour compenser cette diminution de la population active, en l’absence de reprise de la natalité, on peut jouer sur 3 facteurs :
• diminuer le taux de chômage, ce qui est plus facile à dire qu’à faire, notamment dans une période où c’est plutôt vers une augmentation que l’on se dirige. Avec la baisse de la population active, on pourra arriver à une baisse transitoire du chômage liée aux postes libérés. Mais, cela ne dure pas et le taux de chômage revient ensuite à son niveau d’équilibre. De plus, le paramètre chômage joue vraiment quand on passe de 20 % à 5 %, moins quand on passe de 8 % à 4 % ;
• augmenter le taux d’activité, qui est faible en Corse (66 %). Il me semble que ce serait le levier le plus facile à actionner par la CTC à moyen terme (une fois la crise passée), le niveau de départ étant particulièrement bas (je pense notamment au travail des femmes et des plus de 55 ans) ;
• encourager l’immigration pour compenser la baisse de la population active liée au vieillissement. Mais, on peut s’interroger sur la possibilité de garder un tel niveau d'attractivité dans l’avenir.

Au final, d’un point de vue économique, l’apport en main d’oeuvre de l’extérieur est un atout pour le développement de l’île que l’on aurait tort de vouloir tarir ou bien diminuer, sous peine de se retrouver à moyen terme dans une situation économique médiocre. Bien évidemment, un effort de réflexion des pouvoirs publics sur les causes de la faible natalité, surtout comparée à celle du continent (plus de 2 enfants par femme) ne paraît pas inutile.

Lundi 19 Janvier 2009
Guillaume Guidoni