par Guillaume Guidoni
Corse-Economie
Inscription à la newsletter

Les résultats déplorables du côté de la pauvreté en Corse




Les dernières statistiques sur les revenus des ménages (données 2006, donc récoltées en 2007 ; le plus frais qu’il soit possible d’avoir) sont toujours particulièrement négatives en ce qui concerne la Corse.

En effet, le taux de pauvreté est estimé à 19,3 % des ménages, niveau record en France métropolitaine. La moyenne nationale est de 13,2 %. En 2004, le taux de pauvreté n’était « que » de 17,7 %*. De plus, la Corse se caractérise par une intensité de la pauvreté la plus élevée des régions françaises, alors qu’en 2004, les régions PACA et Languedoc-roussillon étaient plus mal placés. En clair, ceci indique que la population pauvre est plus pauvre en Corse qu’ailleurs par rapport au seuil de pauvreté, donc que la pauvreté y est plus forte, et que la pauvreté s’est faite plus intense dans l’île entre 2004 et 2006.

La pauvreté frappe plus fortement les moins de 19 ans, avec 22,1 % des individus sous le seuil de pauvreté (18,3 % moyenne nationale). Toutefois, l’ensemble des classes d’âge sont concernés, avec un taux à 18,9 % pour les 30-64 ans et de 13,1 % (France : 12,4 %) pour les plus de 65 ans (France : 8,9 %). Seuls les 20-30 ans ne s’en sortent pas si mal, avec un taux de pauvreté de 15,9 %, soit proche de la moyenne nationale de 13,7 %. Bien évidemment, les femmes seules et les familles monoparentales sont celles qui souffrent le plus de la pauvreté, le taux atteignant 31 % pour ces dernières.

Du côté des revenus, le constat qui avait été fait il y a quelques mois dans les colonnes du magazine Corsica, conserve sa pertinence : la société corse est très inégalitaire. L’écart entre les 10 % des ménages plus riches et les 10 % des moins riches en termes de revenus disponibles (sommes de toutes les ressources) reste à 5,2 (5,2 fois plus de revenus pour les plus riches par rapport aux plus pauvres). Il s’agit du record national (moyenne 4,6), à égalité avec l’Île de France. Toutefois, ce qui s’explique du côté de Paris par des riches plus riches qu’au niveau national, s’explique en Corse par des pauvres plus pauvres (cf. intensité de la pauvreté).

Par conséquent, les résultats pour 2006 noircissent un peu plus le tableau du côté de la pauvreté et des inégalités de revenus. Par rapport à 2004, la pauvreté est revue à la hausse et les inégalités restent sur le même niveau. Ainsi, le constat qui avait été fait d’une croissance économique qui n’a que peu réduit les inégalités depuis le début des années 2000 est lui aussi inchangé. C’est assez paradoxal, car les créations d’emplois ont été soutenues, le chômage a reculé et la consommation paraît (évaluations par les recettes de TVA, par d’indicateur spécifique disponible) s’être bien tenue. Les raisons de cet échec sont complexes et méritent une étude plus approfondie qu’une simple note sur ce site.

Toutefois, parmi les explications possibles, les plus vraisemblables sont à relier avec : le manque de gains de productivité du travail qui freinent le progression des salaires réels (corrigés de l’inflation), la création d’emploi dans des secteurs à bas salaires (soit le cœur du secteur privé en Corse), une saisonnalité du marché du travail quasiment inchangée ou encore endettement pour soutenir la consommation et le logement (rythme de progression de l’encours de crédit immobilier supérieur à 10 % en moyenne par an depuis 1997).

Au final, cette situation n’est pas satisfaisante. Les inégalités posent un problème économique mais aussi politique. Au plan économique, les inégalités sont une source de perte de croissance car elles placent une partie de la population dans une situation d’exclusion, notamment du marché du travail, qui provoque une baisse du taux d’activité ou qui exerce une pression vers le bas sur les salaires des moins qualifiés. De plus, les inégalités de revenus induisent aussi une inégalité des chances. Ceci, provoquant une sortie prématurée du système éducatif, réduit alors la possibilité pour l’économie corse d’augmenter son niveau de qualification. Au plan politique, ceci peut déstabiliser la démocratie ou entraîner l’adoption de mesures contre-productives, trop protectionnistes notamment.

Le rôle de l’emploi et des politiques publiques, principalement de redistribution et d’éducation, sont au cœur des stratégies de sortie de la pauvreté. Toutefois, dans ce domaine comme dans d’autres, la méthode miracle n’existe pas. De plus, la région n’ayant pas compétence dans le domaine de l’action sociale (aux mains de l’État et, a minima, des départements), la définition d’une politique régionale spécifique n’est pas prévue. Néanmoins, à l’instar de ce qui aurait pu être fait pour une relance économique, une collaboration CTC/départements serait souhaitable.

Car, ne l’oublions pas, la remontée actuelle du chômage et le ralentissement des créations d’emplois n’augurent rien de bon pour l’évolution de la pauvreté en Corse.

* Attention, changement de méthodologie entre 2004 et 2006. Interprétation des évolutions perturbées.




Jeudi 11 Juin 2009
Guillaume Guidoni