par Guillaume Guidoni
Corse-Economie
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La lente mais constante dégradation de l’économie corse


Depuis près de 5 ans maintenant, l’évolution du marché du travail en Corse est au mieux médiocre au pire calamiteuse. Et les derniers développements sont plutôt à ranger dans la seconde catégorie.



La lente mais constante dégradation de l’économie corse
Sans surprise, le nombre de chômeurs dans l’île progresse très vivement sur les derniers mois et, après avoir passé la barre des 17 000 personnes en recherche active (catégories A, B & C) à l’automne dernier, le seuil des 18 000 vient d’être franchi en avril.

Cette aggravation s’explique principalement par un retournement en cours du côté des créations d’emplois. En effet, en Corse, on ne peut stabiliser le taux de chômage qu’avec un niveau de créations d’emploi supérieur à 2 % par an et réduire le chômage significativement qu’avec un emploi salarié en hausse de plus de 2,5 % par an. Or, les créations d’emplois n’ont cessé de s’affaiblir depuis 3 ans et l’année 2012 a été la plus mauvaise enregistrée par les statistiques de l’Acoss, avec une performance de seulement + 1 %. On est loin des +2 %.

Tous les secteurs sont mal orientés mais ce sont surtout le secteur des commerces et de l’hôtellerie/restauration les plus en difficulté. Le dernier secteur a notamment connu une fin d’année 2012 très difficile avec des destructions d’emploi conséquentes (470 emplois perdus entre le troisième et le quatrième trimestre dans le cœur de l’emploi et non l’emploi saisonnier) et une forte hausse des défaillances d’entreprises (au plus haut depuis 2000).

Si le passé est mauvais, l’avenir n’est malheureusement pas beaucoup plus lumineux à court terme. Les dernières annonces des Grandes Maisons, poids lourds de l’emploi CDI du secteur de l’hôtellerie, vont dans le sens de destructions d’emploi sur l’année. La construction, avec des mises en chantier en très fort recul entre 2012 et 2013, est aussi mal orientée même si le niveau d’activité semble encore suffisant pour éviter des licenciements. En revanche, la commande publique paraît basse sur les derniers et c’est peut être sur ce segment de la construction que proviendrait le principal choc sur l’emploi. Le conditionnel s’impose encore sur ce point mais l’optimisme semble tout aussi déplacé.

La lente mais constante dégradation de l’économie corse
Au final, les offres d’emploi déposées à Pôle Emploi sont en très fort recul, à la fois pour les offres durables et les offres saisonnières (cf. graphique). Ainsi, il est probable que le recul de l’emploi salarié s’installe dans le temps et que la Corse rentre pour la première fois depuis 15 ans dans une récession .

A plus long terme, les perspectives sont aussi très ternes. On a déjà listé les principaux éléments qui risquent de provoquer une faiblesse persistante de l’économie corse (capacité d’investissement du secteur public en recul, poids grandissant de retraités ayant un pouvoir d’achat au mieux stagnant, problématique de la construction de logements).

On peut rajouter que la hausse de la grande précarité sur le marché du travail, avec près de 9 000 personnes étant soit chômeurs de longue durée soit au RSA, est une manifestation d’un décrochage de niveau de vie des habitants de l’île. De plus, il ne faut pas oublier les travailleurs faiblement rémunérés et les personnes subissant des successions de CDD courts (entre 6 et 12 mois).

En 2009, nous écrivions à propos du bilan de l’année 2009 : « Au final, cette année a été plus une année de stagnation économique que de repli et le pessimisme de début 2009 était trop sévère. Toutefois, ce qui ressort cette année passée est une accentuation du déséquilibre de l’économie corse envers les secteurs construction et tourisme. Or, il s’agit d’une source de fragilité pour l’avenir, ce modèle économique n’étant pas adapté aux défis posés par les évolutions structurelles attendues sur les 10-20 prochaines années : choc démographique, diminution de la croissance potentielle, diminution de la taille et de la capacité d’intervention du secteur public, enjeux d’infrastructures et environnementaux liés à la pression migratoire et à l’activité touristique… Même s’il convient de préciser que ces éléments ne se feront ressentir que petit à petit. »

La situation n’a pas changé sur le fond et on en ressent désormais plus nettement les impacts négatifs.

Vendredi 31 Mai 2013
Guillaume Guidoni