par Guillaume Guidoni
Corse-Economie
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Grands travaux routiers, la piste du privé


Le besoin en infrastructures de transport reste colossal. Un coût difficilement supportable par la CTC, même avec le PEI. Une solution pourrait passer par l’intervention d’opérateurs privés.



Grands travaux routiers, la piste du privé
Le besoin en infrastructure de transport routière reste importante dans l’île

Les flux de transport interne, en fret ou en passagers, de la Corse sont effectués par route. Le ferroviaire n’est qu’une partie congrue, voir quasi-nul pour le fret. Il n’échappe à personne que ces flux empruntent des liaisons saturées aux abords des principales agglomérations ou en été, sans liaisons rapides entre les quatre grands pôles d’activités (Balagne, région bastiaise, région ajaccienne et extrême sud) et avec des axes secondaires encore plus dégradés. Il y a des raisons géographiques, historiques, financières et techniques à cette situation. Il n’empêche qu’elle est unanimement reconnue comme problématique.

Pour répondre à ce problème, une réponse logique est de vouloir construire ou de rénover. On peut estimer autour de 100 Millions € (M€) par kilomètre le coût d’un tunnel (estimation réalisée à partir de différents projets de tunnel en Europe) ou autour de 10 M€ pour un kilomètre pour une 2x2 voies (estimation à partir de la programmation du PEI). Par conséquent, tout cela coûte très cher, par exemple autour de 1 milliards € pour 100 km de voies rapides sur l’île.

Dans ces conditions, faire un choix est très contraignant

Prenons un exemple, le tunnel sous Vizzavona. Un tel ouvrage pourrait facilement coûter autour de 500 M€, soit pour un chantier de 7 ans près de 70 M€/an. Il absorberait donc une grande part de la capacité d’investissement de la région sur plusieurs années. En effet, même boosté par le PEI, la CTC ne dépense qu’entre 100 et 150 M€ / an pour des chantiers de BTP. Concernant le PEI seul, un tel montant absorberait la quasi-totalité des sommes qui sont prévues pour le réseau de transport (en l’état actuel du document et donc sans tenir compte d’éventuel changement de priorité).

Dans ces conditions faire un choix fort de type voies rapides ou tunnel concentrerait automatiquement l’investissement public. Il ne serait pas possible avant plusieurs années d’ouvrir de nouveau chantiers. Pour être honnête, en l’état actuel des finances locales et des nouvelles priorités affichées par l’État, un tel choix fort paraît peu vraisemblable.

Il reste que ces infrastructures sont nécessaires et porteuses de croissance via la facilitation des échanges. Alors, comment faire ?

Une possibilité : faire intervenir le privé

Une des solutions possibles est tout simplement de faire réaliser les travaux par un opérateur extérieur sous forme de partenariat public-privé ou de concession. C’est une solution qui présente l’intérêt de ne pas faire porter le poids financier de la construction des infrastructures par la collectivité. Bien évidemment, cela se traduira soit par le paiement d’un loyer par la CTC ou par les usagers. Et le coût final est plus élevé pour la collectivité. Mais a-t-on réellement le choix ?

De plus, ce type de partenariat présenterait l’avantage de pouvoir aussi faire contribuer les touristes. Entre janvier et août 2009, selon l’ORTC, les passages de véhicules augmentent entre 150 et 480 % sur les axes de Sartène et l’extrème-sud, de 180 % sur Vizzavona. Sur la Balagne, les données ne sont pas disponibles, mais il est peu probable que ce soit inférieur à du +200 %. Il ne paraît pas absurde de mettre aussi à contribution ces flux touristiques qui profiteraient eux-aussi d’un meilleur réseau routier. Et pour ça, la solution du péage est encore la plus simple. En estimant via les passages quotidiens moyens en été et un péage à 2 €, les recettes pourraient dépasser facilement les 20 000 € / jour pour un axe autour de Porto-Vecchio, soit autour de 1,2 M€ sur la seule période juillet-août. Et l’on est resté prudent dans le calcul.

Bien évidemment, il ne s’agit pas d’une recette miracle. Il n’est même pas sûr que cela soit avantageux financièrement au final. Il n’en reste pas moins que cette piste semble complètement éludée de la réflexion actuellement menée au cours de la campagne politique et elle mérite d’être creusée plus avant. Car à l’heure actuelle, PEI compris, le secteur public n’a pas les moyens d’une politique ambitieuse de transport.

Lundi 15 Mars 2010
Guillaume Guidoni


1.Posté par Nobili le 15/03/2010 14:17
Pourquoi penser d'emblée en termes de voies rapides et de tunnels ? Pourquoi ne pas inventer d'autres types de transports ? Pourquoi ne pas favoriser le développement et l'optimisation des transports en commun (rail, bus, petite aviation) ? Rechercher la diminution du trafic de voitures alors que nous allons, paraît-il, vers une disparition du pétrole et que nous sommes, apparemment, dans un dynamique de protection de la planète, serait logique. Me semble-t-il. Et il y a plus urgent que la voie rapide, il y a la réfection du réseau secondaire

2.Posté par Filippi le 16/03/2010 09:28
Votre article m' a fait penser à l' une des propositions de Jean Toma qui proposait la construction d' un pont entre la Corse et la Sardaigne, celui-ci étant financé par un péage pour pouvoir l' emprunter.
Pourquoi pas se faire aider par le privé pour accélérer le développement mais avec la majorité socialo-communiste qui va être élue je les vois mal, idéologiquement, aller dans cette direction.

3.Posté par Fabien le 25/03/2010 16:38
Bonjour,

Existe-t-il une estimation précise du gain de PIB qui serait obtenu par de tels travaux routiers ? Je suis toujours étonné qu'on se lance dans des projets à plusieurs centaines de millions d'euros sans donner parallèlement les retombées précises attendues.
Face à de tels niveaux d'investissements, il me semble que dire pour les justifier 'ils sont "nécessaires et porteurs de croissance" est un peu léger. De combien sont-ils porteurs ?

Autre remarque : dans les exemples que vous donnez, on parle de centaines de millions d'euros d'investissements, éventuellement quelques milliards, devant rapporter 1,2 millions d'euros par an par péage. Ce qui nous donne des retours sur investissement dans tous les cas nettement inférieurs à 1% par an... Ce n'est pas brillant, et c'est peut-être la réponse à ma première question : investir dans de grands travaux routiers n'est pas forcément un bon investissement, et doit se faire avec prudence.
En tout cas, ces quelques millions d'euros de péage potentiel ne changeront rien à la donne : si on veut des routes, il faudra que ce soit la collectivité qui en paye l'essentiel...

Ne vaudrait-il pas mieux investir tout cet argent dans du logement et de l'urbanisme mieux pensés, permettant de réduire les flux de transports individuels, et donc les besoins en infrastructures nouvelles ?

Bien cordialement.


4.Posté par jean-jacques le 03/04/2010 17:16
bonjour,
vous mettez là, l'accent sur un point important qui touche notre développement: les voies de transport et le réseau routier plus particulièrement ; cela a d'ailleurs toujours constitué une condition sine qua non d'un développement tourné vers l'export.

si l'on fait le constat de l'existant, la Corse est une destination finale pour les produits, qu'ils soient de bases ou manufacturés.

la conséquence de cet état de fait est que sur quatre camions livrant en Corse, un seul au maximum repart à plein compte tenu de notre propre production.

contribuer à la création d'un axe européen Piémont-Corso-Sarde pourrait très certainement améliorer cet état de fait en créant des externalités nouvelles pour nos entreprises (en terme de marché par exemple) et en captant une part qui pourrait être significative, du trafic continent-Sardaigne.

la participation d'un axe routier Bastia-Bonifacio au développement dans un tel schéma, me semble à la fois cohérente et pertinente.

concernant le coût d'un tel axe, les chiffres que vous avancez en matière de réalisation d'une 2X2 voies sont extrapolés de données issues du PEI et donc de la construction en zones denses, ce qui ne serait pas le cas sur une bonne proportion de ce qui resterait à faire entre Vescovato et Bonifacio ; à contrario, attendre trop longtemps pour réaliser ce projet contribuerait à renchérir le coût futur des expropriations qu'il y aura de toute façon lieu de réaliser un jour.

en terme de retombées, je vais à l'essentiel, mais une telle infrastructure contribuerait à une augmentation significative des rotations maritimes et par là, à une saine et réelle concurrence sur le fret entrainant une baisse significative du prix des transports qui rendrait à terme caduque l'existence d'une enveloppe de continuité territoriale distribuable à d'autres fins, notamment à l'amélioration des axes endogènes.

une chose plus importante encore, c'est que cela permettrait en plus des taxes de transport collectées, d'alléger la pression foncière sur les agglomérations Bastiaises et Porto-Vecchiaises et constituerait un débouché en toute saison pour la restauration, l'hôtellerie et toute l'industrie du transport, de l'entreprise de cabotage à la station service.

cela pourrait en outre, contribuer à la revitalisation des petits villages à proximité de cet axe qui arrêteraient de se vider au profit des agglomération précitées et constituerait aussi un débouché, tant vers la Sardaigne que vers le continent pour les entreprises insulaires.

quand à la pertinence de la route par rapport au train, il convient de remarquer que la tendance est plutôt vers la recherche de transport routier moins polluants (dans les zones de montagnes) et que l'avenir est sans doute à des véhicules propres roulants à l'électricité ou grâce à des carburants non polluants (piles à combustibles....) qui s'adaptent beaucoup mieux à notre typographie et sont bien moins contraints par des horaires nécessairement fixes avec le rail.

cordialement