par Guillaume Guidoni
Corse-Economie
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Comparaison avec d'autres îles. Faut-il enterrer l’Islande? (1)


La Corse dispose de peu de points de comparaison raisonnables. Il faut regarder les îles de la Méditerranée (Chypre, Malte, Baléares et Sardaigne). On peut y rajouter les Canaries. Mais, finalement, c’est l’Islande qui pourrait nous apporter le plus d’enseignements en termes de choix de développement économique.



 Comparaison avec d'autres îles. Faut-il enterrer l’Islande? (1)
La Corse dispose de peu de points de comparaison raisonnables. Il faut regarder les îles de la Méditerranée (Chypre, Malte, Baléares et Sardaigne). On peut y rajouter les Canaries. Mais, finalement, c’est l’Islande qui pourrait nous apporter le plus d’enseignements en termes de choix de développement économique.

C’est un regard en trois volets sur cette île que nous vous proposons. Tout d’abord un petit retour sur la crise actuelle et ses conséquences. Ensuite, un regard plus en profondeur sur la structure économique de l’île. Enfin, que peut-on en retirer concernant la Corse ?

La petite économie insulaire islandaise a été sous les feux de la rampe ces derniers temps. Le pays a été une victime spectaculaire de la crise financière, avec l’effondrement de son système bancaire.

L’Islande a connu depuis le début des années 90, une croissance largement supérieure à celle observée dans les autres pays européens, y compris en Scandinavie. Cette croissance a permis à ce petit pays (PIB avoisinant 15 milliards d’euros en 2007, plus de 2 fois celui de la Corse), d’environ 320 000 habitants, de se placer parmi les leaders en termes de richesse par tête dans l’OCDE. De plus, sur la base du classement de l’ONU fondé sur l’indicateur de développement humain, l’Islande est 1ère en 2006 et 2007 (pour plus de détails sur l’économie islandaise avant la crise cf. cette étude).

La croissance islandaise a été en moyenne de 4,4 % par an entre 1997 et 2008. De plus, entre 2004 et 2007 l’économie a accéléré : la croissance moyenne a atteint 5,2 % par an, contre +2,4 % pour la zone euro.

A la base de cette croissance exceptionnelle, l’explosion de la demande interne, consommation des ménages et investissements privés. L’expansion rapide de l’économie prend aussi sa source dans des implantations d’usines d’aluminium, un secteur immobilier en croissance rapide (prix et construction) et une expansion du système bancaire, y compris à l’étranger. Un cercle vertueux que rien ne semble devoir perturber se met en place entre emplois, consommation et investissements.

Tout ceci financé à crédit (avec des niveaux record d’endettement), comme il se doit à une époque ou celui-ci était peu cher et abondant. Enfin peu cher en devise étrangère, car en monnaie locale les taux étaient élevés pour lutter contre l’inflation générée par cette forte croissance. Ainsi, les banques, les ménages et les entreprises étaient endettés principalement en euros et francs suisse.

Toutefois, cette croissance s’est accompagnée de la formation de déséquilibres économiques (déficit abyssal des échanges, inflation, taux d’endettement en hausse constante) et financiers (hypertrophie du secteur financier par rapport à la taille de l’économie) majeurs, à l’origine dès 2006 d’une petite crise de change (couronne islandaise, monnaie en flottement libre).

Puis est arrivée la crise financière. Les banques étrangères ont alors considéré cette petite économie, et plus particulièrement ses banques, comme des personna non grata. Plus question de faire affaire avec eux, donc de leur prêter. Trop de déséquilibres, pas assez sûr. Les banques islandaises se sont retrouvées asphyxiées, ne trouvant plus à l’étranger les sommes nécessaires pour assurer leur refinancement à court terme, colossaux par rapport à la taille de l’économie nationale. L’Islande est frappée par une crise de confiance, qui se transforme en crise de change et en crise bancaire. Un exemple parfait de prophétie auto réalisatrice.

D’où effondrement du système financier national, intervention de l’État, prêt du FMI et d’autres banques centrales. A noter toutefois, que la crise bancaire a pu être contenue, l’État étant intervenu pour nationaliser les banques, avec une aide certes, mais il a sauvé le système bancaire, notamment les dépôts.

Désormais, l’économie islandaise est en dépression. Le taux de chômage, stable entre 1 et 2 % de mi-2004 à mi-2008, explose : 1,3 % en septembre 2008, 4,8 % en décembre 2008 et 8,2 % en février 2009. Il est attendu au-dessus de 10 % d’ici à juin.

A l’origine de ces difficultés, l’effondrement de la demande interne : crash de l’immobilier, fin du boom de l’investissement, environnement très dégradé pour les ménages. La consommation chute avec les pertes d’emplois et la crise de change qui augmente considérablement les taux d’intérêt payés par les ménages endettés en monnaies étrangères et conduit aussi à des taux d’inflation record à cause des produits importés. Un vrai contexte de fin du monde.

Au final, cette expérience islandaise semble être un parfait contre-exemple. Un modèle à fuir à tout prix. Je pense que la réalité est plus complexe.

Cette crise est d’abord celle de la démesure. Une grave crise de croissance en quelque sorte. Au-delà, l’Islande possède une structure économique qui devrait nous faire réfléchir.

A suivre donc…

Mardi 7 Avril 2009
Guillaume Guidoni